Article de presse

Louise Bessette : le doux crépuscule du caméléon

La pianiste Louise Bessette et la maison Atma offrent une rétrospective de l’œuvre de François Dompierre, figure particulière dans le paysage musical québécois, à l’occasion de ses 80 ans. 

Publié le 23 juin 2023

EMMANUEL BERNIER COLLABORATION SPÉCIALE 8,5 / 10 LA PRESSE

C’est le 1er juillet que le musicien né à Ottawa deviendra octogénaire. Il en a coulé de l’eau sous les ponts depuis la parution de son premier microsillon en 1964. S’étant d’abord fait connaître comme pianiste, François Dompierre est surtout passé à l’histoire comme compositeur de musique de film, pour des réalisateurs comme Denys Arcand, Francis Mankiewicz, Jean Beaudin, Léa Pool et Claude Fournier, en plus de collaborations avec de nombreux chanteurs populaires tels que Félix Leclerc, Renée Claude, Louise Forestier, Monique Leyrac et Pauline Julien.

La musique apparaissant sur le disque, qu’on classerait aujourd’hui volontiers dans la catégorie « néoclassique » (les anglophones parlent plus judicieusement d’easy listening), est d’une simplicité qui n’est qu’apparente. Car Dompierre a gagné tous ses chevrons en musique « savante », ayant étudié l’écriture et la composition au Conservatoire de Montréal avec Françoise Aubut et Clermont Pépin. Certaines de ses œuvres ont été reprises chez Deutsche Grammophon ou comme pièces imposées lors de concours.

Les influences sont diverses : romantisme, impressionnisme, jazz, folklore... Le pianiste y apparaît comme un caméléon apte à se mouler à chacun des styles avec un langage toujours personnel. 

Enregistré au Domaine Forget, l’album, entièrement pianistique (certaines pièces sont des arrangements), met parfois à profit le compositeur dans une formule à deux pianos. Les cinéphiles reconnaîtront des morceaux tirés du Déclin de l’empire américain, de La passion d’Augustine et de L’odyssée d’Alice Tremblay. Les amateurs de chanson québécoise en auront aussi pour leur argent. D’autres pièces témoignent d’amitiés avec le compositeur Gilles Tremblay ou la violoniste Angèle Dubeau.

Un album contrasté, témoignant d’une inspiration mélodique et harmonique sans faille, qui s’écoute le sourire aux lèvres.

Article de presse

Louise Bessette : Dompierre, au-delà de la nostalgie

Comme le disait si bien Louise Bessette dans l’entrevue accordée à Ludwig van Montréal la semaine dernière, la musique de François Dompierre fait partie de notre patrimoine.

Avec des titres comme Un bonheur d’occasion ou les variations sur L’âme à la tendresse, de Pauline Julien, cette observation trouve tout son sens, car on se retrouve en quelque sorte plongé dans « un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». En voici pour eux l’occasion.

Mais il y a un autre côté à cette médaille: au-delà de la nostalgie qu’elle suscite et résistant fort bien au passage du temps, la musique de ce mélodiste hors pair demeure aussi très actuelle, pour plusieurs raisons, la principale étant qu’elle est fort bien écrite, et que ce qui est bien fait demeure toujours pertinent. La deuxième étant qu’elle vient du cœur. Cela s’entend, et Louise Bessette nous transmet cette impression avec tout le talent qu’on lui connaît.

Si j’ai été ravie par la plupart des pièces de cet Hommage à François Dompierre (ATMA Classique), j’ai été particulièrement heureuse d’entendre le très joli pastiche Sonatine pour Anna; d’oublier le temps avec Mario, simple et atmosphérique, ou de retrouver la musique du film Les Portes tournantes, long-métrage qui m’avait tellement marqué à sa sortie (dans le temps qu’on allait encore au cinéma une fois par semaine comme nos parents allaient à la messe).

Mais cette liste de coups de cœur pourrait s’allonger, tant le programme est varié et intéressant.

A l’heure où le piano est particulièrement populaire auprès de ceux qui tentent d’échapper au burnout en écoutant des pianistes « compositeurs » d’inspiration inégale qui rejouent les mêmes arpèges en boucle ad nauseam, la musique de François Dompierre est un baume pour l’âme qui se distingue par sa créativité, son inspiration et sa riche substance.

L’interprétation chaleureuse de Louise Bessette y ajoute des strates de couleurs, de nuances et de bonheur qui font de cet hommage un incontournable si vous aimez le piano et la musique de François Dompierre. 

Caroline Rodgers

Rédactrice en chef chez Ludwig van Montréal

Article de presse

Le Devoir, Christophe Huss, ★★★★

François Dompierre a fêté dimanche son 80e anniversaire. Ce disque de la pianiste Louise Bessette lui rend un hommage juste et sensible. L’arche musicale est construite autour de deux mélodies inoubliables : L’âme à la tendresse, sous forme d’habile paraphrase, et Un conte de fées, tirée de L’odyssée d’Alice Tremblay. Il y avait évidemment de nombreuses pépites dans le répertoire musical de Dompierre pour le cinéma. Parmi elles, on retrouve son goût pour les pastiches. Même si Facéties sur un prélude de Bach est le plus voyant, il y en a bien d’autres. François Dompierre l’improvisateur s’en donne à coeur joie dans Un bonheur d’occasion, oeuvre à deux pianos où Louise Bessette joue une partition alors qu’il improvise au deuxième piano. Le disque bénéficie d’une complicité qui ne date pas d’hier, puisqu’en 2016 Dompierre avait composé le Concertango grosso dédié à Bessette. Cet hommage montre aussi que l’inspiration, c’est autre chose que ces musiquettes simplistes qui font florès ces temps-ci. Avec Dompierre, c’est une fête de l’esprit.


Hommage à François Dompierre

★★★★

Classique

Louise Bessette, avec F. Dompierre, Atma ACD 2 2889

Lancements albums CD

PHONÈMES, La musique de François Dompierre | The Music of François Dompierre

Les temps s’y prêtent. Déraisonnables, aurait dit Aragon. Entre une pandémie et les tambours guerriers, la douceur s’impose. De là, le projet Phonèmes : «élément sonore du langage articulé», comme le définit le dictionnaire. Par extension, rumeur musicale, vent mélodique, c’est ce que le mot évoque pour moi. Il me semble assez justement résumer le caractère des pièces de cet enregistrement : Maxime, Céleste, Partance, Septembre, Méandre, Cortège et Augustine. Sept morceaux contemplatifs, pour la plupart inédits mais quelquefois inspirés des images cinématographiques qui ont essaimé mon parcours.

 

Cette aventure m’aura permis de faire la connaissance d’une équipe de jeunes créateurs réunis autour d’un chef d’orchestre de grande classe, un musicien doué qui n’a pas fini de nous étonner : Francis Choinière.

Lancements albums CD

Hommage à François Dompierre

La musique de film est non seulement un support à la trame narrative visuelle d’un scénario, mais aussi un élément essentiel à son déroulement. Il suffit, pour en prendre conscience, de se laisser envoûter par le propos et les images du documentaire magistral que Giuseppe Tornatore a réalisé sur la vie et l’œuvre de son compatriote, le compositeur Ennio Morricone. Le réalisateur va plus loin encore : il nous démontre que les œuvres musicales destinées à l’image peuvent souvent renaître au concert et côtoyer sans complexe les grandes œuvres du répertoire classique. Le temps a fait son œuvre : ces pièces sont devenues des classiques. N’y aurait-il pas lieu d’accoler à certaines pièces de musique de film l’épithète de « contemporaine »? C’est cette audace que se permet une grande musicienne, passionnée de la musique de notre temps : Louise Bessette.